tament en faveur de Savinien. — Les caractères de l’écriture, dit-elle au curé, brillaient comme s’ils eussent été tracés avec les rayons du soleil, ils me brûlaient les yeux. Quand elle regarda son oncle pour le remercier, elle aperçut sur ses lèvres décolorées un sourire bienveillant. Puis, de sa voix faible et néanmoins claire, le spectre lui montra Minoret écoutant la confidence dans le corridor, allant dévisser la serrure et prenant le paquet de papiers. Puis, de sa main droite, il saisit sa pupille et la contraignit à marcher du pas des morts afin de suivre Minoret jusqu’à la Poste. Ursule traversa la ville, entra à la Poste, dans l’ancienne chambre de Zélie, où le spectre lui fit voir le spoliateur décachetant les lettres, les lisant et les brûlant. — Il n’a pu, dit Ursule, allumer que la troisième allumette pour brûler les papiers, et il en a enterré les vestiges dans les cendres. Après, mon parrain m’a ramenée à notre maison et j’ai vu monsieur Minoret-Levrault se glissant dans la bibliothèque, où il a pris, dans le troisième volume des Pandectes, les trois inscriptions de chacune douze mille livres de rentes, ainsi que l’argent des arrérages en billets de banque. — Il est, m’a dit alors mon parrain, l’auteur des tourments qui t’ont mise à la porte du tombeau ; mais Dieu veut que tu sois heureuse. Tu ne mourras point encore, tu épouseras Savinien ! Si tu m’aimes, si tu aimes Savinien, tu redemanderas ta fortune à mon neveu. Jure-le moi ? En resplendissant comme le Sauveur pendant sa transfiguration, le spectre de Minoret avait alors causé, dans l’état d’oppression où se trouvait Ursule, une telle violence à son âme, qu’elle promit tout ce que voulait son oncle pour faire cesser le cauchemar. Elle s’était réveillée debout, au milieu de sa chambre, la face devant le portrait de son parrain qu’elle y avait mis depuis sa maladie. Elle se recoucha, se rendormit après une vive agitation et se souvint à son réveil de cette singulière vision ; mais elle n’osa pas en parler. Son jugement exquis et sa délicatesse s’offensèrent de la révélation d’un rêve dont la fin et la cause étaient ses intérêts pécuniaires, elle l’attribua naturellement à la causerie par laquelle la Bougival l’avait endormie, et où il était question des libéralités de son parrain pour elle et des certitudes que conservait sa nourrice à cet égard. Mais ce rêve revint avec des aggravations qui le lui rendirent excessivement redoutable. La seconde fois, la main glacée de son parrain se posa sur son épaule, et lui causa la plus cruelle douleur, une sensation indéfinissable. — Il faut obéir aux morts ! disait-il d’une voix
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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.