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URSULE MIROUET.

licence, répliqua le clerc humilié d’être traité si familièrement en présence de tant de monde.

— Comment ! il lui dit qu’il se taise ? demanda madame Crémière à son mari.

— Vous savez tout ce que j’ai, Cabirolle ! cria-t-il au vieux conducteur à face violacée et bourgeonnée. Vous ferez porter tout chez nous.

— La sueur ruisselle sur tes chevaux, dit la rude Zélie à Cabirolle, tu n’as donc pas de bon sens pour les mener ainsi ? tu es plus bête qu’eux !

— Mais, monsieur Désiré voulait arriver à toute force pour vous tirer d’inquiétude…

— Mais puisqu’il n’y avait point eu d’accident, pourquoi risquer de perdre tes chevaux, reprit-elle.

Les reconnaissances d’amis, les bonjours, les élans de la jeunesse autour de Désiré, tous les incidents de cette arrivée et les récits de l’accident auquel était dû le retard, prirent assez de temps pour que le troupeau des héritiers augmenté de leurs amis arrivât sur la place à la sortie de la messe. Par un effet du hasard, qui se permet tout, Désiré vit Ursule sous le porche de la paroisse au moment où il passait, et resta stupéfait de sa beauté. Le mouvement du jeune avocat arrêta nécessairement la marche de ses parents.

Obligée en donnant le bras à son parrain de tenir de la main droite son paroissien et de l’autre son ombrelle, Ursule déployait alors la grâce innée que les femmes gracieuses mettent à s’acquitter des choses difficiles de leur joli métier de femme. Si la pensée se révèle en tout, il est permis de dire que ce maintien exprimait une divine simplesse. Ursule était vêtue d’une robe de mousseline blanche en façon de peignoir, ornée de distance en distance de nœuds bleus. La pèlerine bordée d’un ruban pareil, passé dans un large ourlet et attachée par des nœuds semblables à ceux de la robe, laissait apercevoir la beauté de son corsage. Son cou, d’une blancheur mate, était d’un ton charmant mis en relief par tout ce bleu, le fard des blondes. Sa ceinture bleue à longs bouts flottants dessinait une taille plate, qui paraissait flexible, une des plus séduisantes grâces de la femme. Elle portait un chapeau de paille de riz, modestement garni de rubans pareils à ceux de la robe et dont les brides étaient nouées sous le menton, ce qui, tout en relevant l’excessive blancheur du chapeau, ne nuisait point à celle de son beau teint de