félicitait Pierrette d’avoir accompli quelque difficile prescription, cet ange disait, en présence de tous, et avec quels regards ! — Je désire vivre, cher monsieur Martener, moins pour moi que pour ma grand’mère, pour mon Brigaut, et pour vous tous, que ma mort affligerait.
La première fois qu’elle se promena dans le mois de novembre, par le beau soleil de la Saint-Martin, accompagnée de toute la maison, et que madame Auffray lui demanda si elle était fatiguée : — Maintenant que je n’ai plus à supporter d’autres souffrances que celles envoyées par Dieu, je puis y suffire. Je trouve dans le bonheur d’être aimée la force de souffrir.
Ce fut la seule fois que d’une manière détournée elle rappela son horrible martyre chez les Rogron, desquels elle ne parlait point, et leur souvenir devait lui être si pénible, que personne ne parlait d’eux.
— Chère madame Auffray, lui dit-elle un jour, à midi, sur la terrasse en contemplant la vallée éclairée par un beau soleil et parée des belles teintes rousses de l’automne, mon agonie chez vous m’aura donné plus de bonheur que ces trois dernières années.
Madame Auffray regarda sa sœur, madame Martener, et lui dit à l’oreille : — Comme elle aurait aimé ! En effet, l’accent, le regard de Pierrette donnaient à sa phrase une indicible valeur.
Monsieur Martener entretenait une correspondance avec le docteur Bianchon, et ne tentait rien de grave sans ses approbations. Il espérait d’abord établir le cours voulu par la nature, puis faire dériver le dépôt à la tête par l’oreille. Plus vives étaient les douleurs de Pierrette, plus il concevait d’espérances. Il obtint de légers succès sur le premier point, et ce fut un grand triomphe. Pendant quelques jours l’appétit de Pierrette revint et se satisfit de mets substantiels pour lesquels sa maladie lui donnait jusqu’alors une répugnance caractéristique ; la couleur de son teint changea, mais l’état de la tête était horrible. Aussi le docteur supplia-t-il le grand médecin, son conseil, de venir. Bianchon vint, resta deux jours à Provins, et décida une opération, il épousa toutes les sollicitudes du pauvre Martener, et alla chercher lui-même le célèbre Desplein. Ainsi l’opération fut faite par le plus grand chirurgien des temps anciens et modernes ; mais ce terrible aruspice dit à Martener en s’en allant avec Bianchon, son élève le plus aimé : — Vous ne la sauverez que par un miracle. Comme vous l’a dit Horace,