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Page:Balzac - Œuvres complètes Tome 5 (1855).djvu/60

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URSULE MIROUET.

— Parce qu’elles y sont.

— Qui ?

— La jeune personne et la nourrice auxquelles vous pensez.

— Comment est le jardin ? demanda Minoret.

— En y entrant par le petit escalier qui descend sur la rivière, il se trouve à droite une longue galerie en briques dans laquelle je vois des livres, et terminée par un cabajoutis orné de sonnettes en bois et d’œufs rouges. À gauche le mur est revêtu d’un massif de plantes grimpantes, de la vigne vierge, du jasmin de Virginie. Au milieu se trouve un petit cadran solaire. Il y a beaucoup de pots de fleurs. Votre pupille examine ses fleurs, les montre à sa nourrice, fait des trous avec un plantoir et y met des graines… La nourrice râtisse les allées… Quoique la pureté de cette jeune fille soit celle d’un ange, il y a chez elle un commencement d’amour, faible comme un crépuscule du matin.

— Pour qui ? demanda le docteur qui jusqu’à présent n’entendait rien que personne ne pût lui dire sans être somnambule. Il croyait toujours à de la jonglerie.

— Vous n’en savez rien, quoique vous ayez été dernièrement assez inquiet quand elle est devenue femme, dit-elle en souriant. Le mouvement de son cœur a suivi celui de la nature…

— Et c’est une femme du peuple qui parle ainsi ? s’écria le vieux docteur.

— Dans cet état toutes s’expriment avec une limpidité particulière, répondit Bouvard.

— Mais qui Ursule aime-t-elle ?

— Ursule ne sait pas qu’elle aime, répondit avec un petit mouvement de tête la femme ; elle est bien trop angélique pour connaître le désir ou quoi que ce soit de l’amour ; mais elle est occupée de lui, elle pense à lui, elle s’en défend même, elle y revient malgré sa volonté de s’abstenir… Elle est au piano…

— Mais qui est-ce ?

— Le fils d’une dame qui demeure en face…

— Madame de Portenduère ?

— Portenduère, dites-vous, reprit la somnambule, je le veux bien. Mais il n’y a pas de danger, il n’est point dans le pays.

— Se sont-ils parlé ? demanda le docteur.

— Jamais. Ils se sont regardés l’un l’autre. Elle le trouve charmant. Il est en effet joli homme, il a bon cœur. Elle l’a vu de sa