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CONTES DRÔLATIQUES.

et, l’aultre soir, ne disiez-vous pas que vous aymeriez tout ce qui viendroyt de moy ?

Là-dessus, elle enfila telle venelle d’arraisonnemens, de paroles dorées, de plainctes, querelles, larmes, et aultres patenostres de femmes, comme, d’abord, que les domaines ne feroyent point retour au roy ; que iamais enfant n’avoyt esté plus innocemment gecté en moule ; que cecy, que cela ; puis, mille chouses, tant, que le bon cocqu s’apaisa ; et Blanche, saisissant un propice entreioincture, dit :

— Et où est le paige ?

— Il est au diable !

— Quoy ! l’avez-vous tué ? dit-elle. Et toute pasle, elle chancela. Bruyn ne sceut que devenir, en voyant cheoir tout l’heur de ses vieulx jours ; et il auroyt, pour son salut, voulu luy monstrer ce paige. Lors, il commanda de le quérir ; mais René s’enfuyoit à tire-d’aile, ayant paour d’estre desconfict, et se départit pour les pays d’oultre-mer, à ceste fin d’accomplir son vœu de religion. Alors que Blanche eut apprins par l’abbé dessusdict la pénitence imposée à son bien-aymé, elle cheut en griefve mélancholie, disant parfoys : — Où est-il, ce paouvre malheureux, qui est au milieu des dangiers pour l’amour de moy ?

Et touiours le demandoyt, comme ung enfant qui ne laisse aulcun repos à sa mère iusqu’à ce que sa querimonie luy soyt octroyée. A ces lamentations, le vieulx senneschal, se sentant en faulte, se tresmoussoyt à faire mille chouses, une seule hormis, affin de rendre Blanche heureuse ; mais rien ne valloyt les doulces friandises du paige..