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CONTES DRÔLATIQUES.

son vray nom qui estoyt Cochegrue, comme celluy du capitaine son frère. Pille-grue avoyt ung chestif corps, sembloyt laschier de l’eaue trez froide, estoyt pasle de visaige et possédoyt une physionomie en manière de bec de fouyne. Ce néantmoins, il valoyt bien ung denier de plus que ne valoyt le capitaine, et portoyt à son oncle une pinte d’affection ; mais, depuis environ deux ans, son cueur s’estoyt ung peu feslé, et, goutte à goutte, sa recognoissance avoyt fuy ; de sorte que, de temps à aultre, quand l’aër estoyt humide, il aimoyt à mettre ses pieds dedans les chausses de son oncle et à presser par avance le ius de ceste tant bonne succession.

Luy et son frère le souldard treuvoyent leur part bien légiere, veu que, loyaulment, en droict, en faict, en iustice, en nature et en réalité, besoing estoyt de donner la tierce partie du tout à ung paouvre cousin, fils d’une aultre sœur du chanoine, lequel héritier, peu aymé du bonhomme, restoyt aux champs, où il estoyt bergier près Nanterre.

Cettuy guardien de bestes, paysan à l’ordinaire, vint en ville, sur l’advis de ses deux cousins, qui le mirent en la maison de leur oncle, dans l’espoir que tant par ses asneries, lourderies, tant par son deffault d’engin, tant par son maltalent, il seroyt desplaisant au chanoine, qui le mettroyt à la porte de son testament. Doncques ce paouvre Chiquon, comme avoyt nom le bergier, habitoyt, luy seul, avecques son vieil oncle, depuis ung mois environ ; et,