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L’HÉRITIER DU DIABLE.

— Allons ! ma petite Pasquerette, ne fais point la morte ! Viens ça que ie te raccommode ! Ah ! sournoyse, deffuncte ou vivante, tu es si iolie dans le sang, que ie vais t’accoller !

Ayant dict, le rusé souldard la print et la gecta sur le lict ; mais elle y tomba tout d’une pièce et roide comme le corps d’ung pendu. Ce que voyant, le compaignon crut qu’il debvoit tirer sa bosse du ieu ; cependant le malicieux, avant de lever le pied, dit : — Paouvre Pasquerette ! Comment ay-ie pu meurdrir une si bonne fille que i’aymoys tant ! Mais, oui, ie l’ai tuée, et la chouse est claire, car de son vivant iamais son ioly tettin ne se feust laissé cheoir comme il est ! Vrai Dieu ! l’on diroyt un escu au fond d’ung bissac.

Sur ce, la Pasquerette ouvrit l’œil et inclina légierement la teste pour veoir à sa chair, qui estoyt blanche et ferme ; lors, elle revint à la vie par ung grant soufflet qu’elle bailla sur la ioue du capitaine.

— Voilà pour médire des morts, feit-elle en soubriant.

— Et pourquoy doncques vous tuoyt-il, ma cousine ? demanda le bergier.

— Pourquoy ? demain les sergens viennent tout saisir léans, et luy qui n’a pas plus de monnoye que de vertus, me reprouchoyt de vouloir faire plaisir à ung ioly seigneur, lequel me doibt saulver de la main de iustice.

— Pasquerette, ie te rompray les os !

— La ! la ! dit Chiquon, que pour lors le Mau-cinge recogneut, n’est-ce que cela ? Oh bien, mon bon amy, ie vous apporte de notables sommes !

— Et d’où ? demanda le capitaine esbahy.

— Venez icy, que ie vous parle en l’aureille. Si quelques trente mille escuz se pourmenoyent nuictamment à l’umbre d’ung poirier, ne vous baisseriez-vous point pour les serrer, affin qu’ils ne se guastassent pas ?

— Chiquon, ie te tue comme ung chien, si tu te railles de moy, ou ie te baise là où tu vouldras, si tu me mets en face de trente