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CONTES DRÔLATIQUES.

fagot. A toutes ses besongnes, la Ficquet, tousiours plus ferme et plus dure, une foys respondoyt à la gracieuse queste de son seigneur : « Quand vous me l’aurez osté, me le rendrez-vous, hein ? » Puis en d’aultres temps disoyt : « Quand i’auroys autant de pertuys qu’en ont les cribles, il n’y en auroyt pas ung seul pour vous, tant laid ie vous treuve ! »

Ce bon vieulx prenoyt ce proupos de villaige pour fleurs de vertu, et ne chailloyt point à faire de petits signes, longues harangues et cent mille sermens ; car, force de veoir les bons gros avant-cueurs de ceste fille, ses cuisses rebondies, qui se mouloyent en relief, à certains mouvemens, à travers ses cottes, et force d’admirer aultres chouses capables de brouiller l’entendement d’ung sainct, ce bon chier homme s’estoyt enamouré d’elle avecques une passion de vieillard, laquelle augmente en proportions géométrales, au rebours des passions des ieunes gens, pour ce que les vieulx ayment avecques leur foiblesse qui va croissant, et les ieunes avecques leurs forces qui s’en vont diminuant. Pour ne donner aulcune raison de refus à ceste fille endiablée, le seigneur print à partie ung sien sommelier, aagé de plus de septante et quelques années, et luy feit entendre qu’il debvoyt se marier affin de reschauffer sa peau, et que Marie Ficquet seroyt bien son faict. Le vieulx sommelier, qui avoyt gagné trois cents livres tournoys de rente à divers services dans la maison, vouloyt vivre tranquille sans ouvrir de nouveau les portes de devant ; mais le bon seigneur, l’ayant prié de se marier ung peu pour luy faire plaisir, l’asseura qu’il n’auroyt nul soulcy de sa femme. Alors le vieulx sommelier s’engarria par obligeance dans ce mariaige. Le iour des fiançailles, Marie Ficquet, desbridée de toutes ses raisons, et ne pouvant obiecter aulcun grief à son poursuyvant, se feit octroyer une grosse dot et ung douayre pour le prix de sa défloraison ; puis bailla licence au vieulx cocquard de venir tant qu’il pourroyt couchier avecques elle, luy promettant autant de bons coups que de grains de bled donnez à sa mère ; mais, à son aage, ung boisseau luy suffisoyt.

Les nopces faictes, point ne faillit le seigneur, aussytost sa femme mise en toile, de s’esquicher devers la chambre, bien verrée,