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LE FRÈRE D’ARMES



Au commencement du règne du roy Henry secund du nom, lequel ayma tant la belle Diane, il y avoyt encores une cérémonie dont l’usaige s’est depuis beaucoup affoibly, et qui ha tout à faict disparu, comme une infinité de bonnes chouses des vieulx temps. Ceste belle et noble coustume estoyt le choix d’ung frère d’armes que faisoyent tous les chevaliers. Doncques, après s’estre cogneus pour deux hommes loyaulx et braves, ung chascun de ce gentil couple estoyt marié pour la vie à l’autre ? tous deux devenoyent frères ; l’ung debvoyt deffendre l’aultre à la bataille, parmy les ennemys qui le menassoyent, et, à la Court, parmy les amys qui en médisoyent. En l’absence de son compaignon, l’aultre estoyt tenu de dire à ung qui auroyt accusé son bon frère de quelque desloyaulté, meschanterie ou noirceur feslonne : « Vous en avez menty par vostre gorge ! …. » et aller sur le pré, vitement, tant seur on estoyt de l’honneur l’ung de l’aultre. Il n’est pas besoing d’adiouxter que l’ung estoyt tousiours le secund de l’aultre, en toute affaire, meschante ou bonne, et qu’ils partageoyent tout bon heur ou mal heur. Ils estoyent mieulx que les frères qui ne sont