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CONTES DRÔLATIQUES.

mais que elles mettoyent trop de phrenesie là où besoing estoyt de gentillesse, et qu’il cuydoyt à chasque gaudisserie que ce feust ung esternuement ou ung cas de viol, brief, que les accointances françoyses y ramenoyent le beuveur plus altéré, ne se lassant iamais, et que avecques les dames de sa court l’amour estoyt une doulceur sans pareille, et non labeur de maistre mitron en son pestrin.

Le paouvre capitaine feut estrangement picqué de ce languaige. Maulgré la belle foy de gentilhomme dont le Roy faisoyt estat, il crut que le sire vouloyt le gabeler comme ung escholier robbant une transon d’amour en ung clappier de Paris. Néantmoins, ne saichant, au demourant, si la marqueza n’avoyt point par trop hespaignolé le Roy, il demanda revanche au captif, luy baillant sa parole que il auroyt, pour le seur, une vraye fée, et luy gaigneroyt son fief. Le Roy estoyt trop courtois et guallant chevalier pour ne point octroyer ceste requeste, et adiouxta mesmes une gentille parole royale, en tesmoignant le dezir de perdre la gageure. Doncques, après vespres, le guarde passa toute chaulde, en la chambre du Roy, la dame la plus blanchement reluysante, la plus mignonnement folastre, à longs cheveulx, à mains velouxtées, enflant sa robbe au moindre geste, veu que elle estoyt gracieusement rebondie, ayant une bouche rieuse et des yeulx humides par advance, femme à rendre l’enfer saige, et dont la prime parole eut telle puissance chordiale, que la brayette du Roy en cracqueta. Lendemain, alors que la belle feut évadée après le désieuner du Roy, le bon capitaine vint bien heureux et triumphant en la chambre.

A sa venue, le prisonnier de s’escrier :

— Baron de la Ville-aux-Dames, Dieu vous procure ioyes pareilles ! I’ayme ma geole ! par nostre Dame, ie ne veulx point iuger entre l’amour de nos pays, mais paye la gageure.

— Ie le sçavoys bien ! dit le capitaine.

— Et comment ? feit le Roy.

— Sire, c’est ma femme.

Voilà l’origine des Larray de la Ville-aux-Dames en nostre pays, veu que, par corruption de nom, celui de Lara y Lopez fina par se dire Larray. Ce feut une bonne famille, bien affectionnée au service des Roys de France, et qui ha moult frayé. Bientost la Royne de Navarre vint à temps pour le Roy, qui, se desgoustant de la manière hespaignole, vouloyt se gaudir à la françoise ; mais