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CONTES DRÔLATIQUES.

ha iuré sa foy ez Saincts Évangiles, et nous ha dict, avecques larmes, avoir mis en terre son fils aisné, mort par le faict de ses extravaguantes amours avecques ung démon femelle. Lequel homme noble avoyt d’aage vingt-trois ans, estoyt parfaictement complexionné, trez viril, moult barbu comme son deffunct père. Nonobstant sa grant mouelle, en nonante iours, avoyt petitement blesmy, ruyné par ses accointances avecques le succube de la voye Chaulde, suyvant le dire du menu populaire ; et que nulle avoyt esté sa materne authorité sur ce fils. Finablement, en ses darreniers iours, sembloyt-il quasiment ung paouvre ver seichié dont les mesnaigieres font la rencontre en ung coin alors que elles balyent les salles du logiz. Et tousiours, tant qu’il eut force d’aller, alloyt se parachever de vivre chez ceste mauldicte où se vuydoyt aussi son espargne. Puis, alors que, couchié en son lict veit advenir son extresme heure iura, sacra, menassa, dit à tous, à sœur, frère, et à elle, la mère, mille iniures ; s’esmutit au nez du chapelain ; renia Dieu et voulut mourir en damné ; ce dont, du tout, feurent navrez les serviteurs de la famille, qui, pour saulver son âme et la tirer de l’enfer, ont fundé deux messes annuelles en la cathédrale. Puis, pour avoir sépulture d’icelluy en terre saincte, la maison de Croixmare s’est engagiée à donner au Chapitre, durant cent ans, la cire des chapelles et de l’ecclise, au iour de Pasques fleuries. En fin de tout, sauf les maulvaises paroles entendues par la révérende personne de Dom Loys Pot, religieux de Marmoustiers, venu pour assister, en son extresme heure, le dessus dict baron de Croixmare, ladicte dame afferme ne avoir onc-