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LE SUCCUBE.

faict ses vœux suivant la saincte règle de l’Ordre. Puis, les vœux dicts, estre cheue en grant tristesse et avoir moult blesmy. Par elle, abbesse, interroguée sur sa maladie mélancholieuse, avoyt esté respondu par ladicte sœur avecques larmes que elle ne en sçavoyt aulcunement la cause ; que en elle s’engendroyent mille et ung pleurs de ne plus se sentir ses beaulx cheveulx en la teste ; que, en oultre de ce, avoyt soif d’aër, ne pouvoyt résister à ses envies de saulter ez arbres, grimper, faire ses tourdions suyvant les usaiges de sa vie à plein ciel ; que elle passoyt ses nuicts en larmes, resvant aux forests soubz la feuillée desquelles iadis elle couchioyt ; et, en remembrance de ce, elle abhorroyt la qualité de l’aër claustral qui gehennoyt son respirouère ; que, en dedans d’elle, sourdoyent des vapeurs maulvaises, et que par foys elle estoyt intérieurement divertie en l’ecclise par des pensiers qui lui faisoyent perdre contenance. Lors ay rebattu la paouvrette des saincts enseignemens de l’Ecclise, luy ay remis en mémoire le bonheur éterne dont les femmes sans péché iouissoyent en paradiz, et combien estoyt transitoire la vie d’icy-bas et certaine la bonté de Dieu, lequel, pour aulcunes liesses amères perdues, nous gardoyt ung amour sans fin. Maulgré ces saiges advis maternels, l’esprit maulvais ha persisté en ladicte sœur. Et tousiours regardoyt-elle le feuillaige des arbres, les herbes des