après laquelle courent tous les hommes. Puis ha dict, elle qui parle, n’avoir iamais de nul homme aymé par elle sollicité nul présent ni guerdon, et que elle demouroyt parfaictement contente de vivre en leur cueur ; que elle s’y rouloyt avecques des plaisirs intarissables et ineffables, se trouvant riche de ce cueur plus que de tout, et ne songioyt à rien aultre chouse qu’à leur rendre plus de ioye et de bonheur que elle n’en recevoyt d’eulx. Mais, obstant les deffenses itératives de elle qui parle, ses amoureux se bendoyent à tousiours la gracieusement mercier. Tantost l’ung venoyt, à elle qui parle, avecques ung fermail de perles, disant : « Vécy pour monstrer à ma mye que le satin de sa peau ne me paroissoyt pas à faulx plus blanc que perles ! » Et le mettoyt au cou de elle qui parle en le baisant bien fort. Elle qui parle se choleroyt de ces follies, ains ne pouvoyt reffuser de conserver ung ioyau qui leur faisoyt plaisir à veoir là où ils le mettoyent sur elle. Ung chascun avoyt phantaisie diverse. Tantost ung aultre aymoyt à deschirer les vestemens prétieux dont elle qui parle se couvroyt pour luy agréer : puis ung aultre à la vestir, elle qui parle, de saphirs aux bras, aux iambes, au col ou en ses cheveulx ; cettuy à l’estendre ez tapis, en de longs linceuls de soye ou veloux noir, et demouroyt des iours entiers en ecstase des perfections d’elle qui parle, à qui les chouses dezirées par ses amoureux donnoyent plaisirs infinis pour ce que ces chouses les faisoyent tout aises. Puis ha dict, elle qui parle, que, comme nous ne aymons rien tant que nostre plaisir, et voulons que tout esclatte en beaulté, harmonie, au dehors comme en dedans du cueur, alors tous soubhaitoyent veoir le pourpriz habité par elle qui parle aorné des plus belles chouses ; et en ce pensier tous ses amoureux se plaisoyent autant que elle à y respandre l’or, la soye et les fleurs. Ores, veu que ces belles chouses ne guastoyent rien, elle qui parle n’avoyt nulle force ni commandement pour empescher ung chevalier ou mesmes ung riche bourgeoys dont elle estoyt aymée de faire à sa voulenté ; et, par ainsy, se trouvoyt contraincte d’en recepvoir perfums prétieux et aultres satisfactions dont elle qui parle estoyt affollée, et que telle estoyt la source de ces plats d’or, tapis et ioyaulx prins chez elle par les gens de iustice.
Cy fine la prime interroguation faicte à ladicte sœur Claire, soupçonnée d’estre ung démon, pour ce que nous iuge et Guillaume Tournebousche avoyent trop grant fatigue d’entendre la