Page:Balzac - Contes drolatiques.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
465
D’UNG IUSTICIARD.

en moins de temps qu’ung paouvre n’auroyt vuydé ung tronc. Holà ! hé ! Sur ce, au tapaige des gens qui menassoyent d’effondrer les murs, la meschine ouvrit la porte en baillant de la bouche et se delicoltant les bras. Le connestable et le iusticiard se ruèrent en la chambre, où ils esveiglèrent à grant poine la bourgeoise, qui feit de l’effrayée et dormoyt si dreument, que elle avoyt des bourriers de chassie ez yeulx. De cecy triumpha moult le prevost, disant audict seigneur que, pour le seur, on l’avoyt truphé, que sa femme estoyt saige, et de faict elle se monstra estonnée comme pas une. Le connestable vuyda la place. Bon prevost de soy despouiller pour se couchier tost, veu que ceste adventure luy avoyt remis sa bonne femme en mémoire. Pendant que il ostoyt son harnoys et quittoyt ses chausses, la bourgeoyse, tousiours estonnée, lui disoyt :

— Hé ! mon chier mignon, d’où sort ce bruit, ce monseigneur le connestable et ses paiges ? Et pourquoi venir veoir si ie dors ! Sera-ce désormais en la charge des connestables de veoir comment sont establis nos…

— Ie ne sçays, feit le prevost, qui l’interrompit pour luy raconter ce qui luy estoyt advenu.

— Et tu has veu, sans en avoir licence de moy, dit-elle, celluy d’une dame de la Court. Ha ! ha heu ! heu ! hein !

Lors se mit à geindre, se plaindre, crier si desplourablement et si fort, que le prevost demoura pantois.