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SUR LE MOYNE AMADOR.

moyne, vous seul pouvez m’en saulver, veu que, si ie chaussoys vostre bon froc, ie seroys à l’abry de la cholère de Dieu.

En ce disant, elle soubleva la robbe, comme pour veoir à s’y placer, et s’esclama :

— Par ma ficque ! les moynes sont plus beaulx que les chevaliers.

— Par le roussy du diable ! ne has-tu point veu ni sentu de moyne ?

— Non, dit la meschine.

— Et tu ne cognoys nullement le service que chantent les moynes sans dire mot ?

— Non, feit Perrotte.

Adoncques le moyne le luy monstra de la bonne fasson, comme aux festes à doubles bastons, avecques les grans sonneries en usaige dans les moustiers, psaulmes bien chantez en fa maieur, cierges flambans, enfans de chœur, et luy expliqua l’Introït et aussy l’Ite missa est, pour ce que il s’en alla, la laissant si sanctifiée, que la cholère de Dieu n’eust sceu rencontrer aulcun endroict de la fille qui ne feust trez-amplement monasticqué. Par son commandement, Perrotte le mena en la chambre où estoyt la damoiselle de Candé, sœur du sire, à laquelle il apparut pour sçavoir si son bon plaisir estoyt de soy confesser à luy, pour ce que les moynes venoyent rarement en ce chasteau. La damoiselle feut contente, comme l’eust esté toute bonne chrestienne, de pouvoir s’espluchier la conscience. Amador la requit de luy monstrer sa conscience, et la paouvre damoiselle luy ayant laissé veoir ce que le moyne demonstra estre la conscience des filles, il la treuva trez-noire, et luy dit que tous les péchez des femmes se parfaisoyent là ; que pour estre en l’advenir sans péchez, besoing estoyt de se bouchier la conscience par une indulgence de moyne. Sur ce que la bonne damoiselle ignarde luy repartit que elle ne sçavoyt où se conquestoyent ces indulgences, le moyne luy dit que il portoyt un threzor d’indulgence, veu que rien au monde ne estoyt plus indulgent que cela, pour ce que cela ne disoyt mot et produisoyt des doulceurs infinies, ce qui est le vray, l’éterne et prime charactère de l’indulgence. La paouvre demoiselle eut la vue si fort esblouye par ce threzor dont elle estoyt de tout poinct sevrée, que elle eut la cervelle brouillée et voulut de si bon cueur croire en la relique du moyne, que elle s’indulgea religieusement des indulgences, comme la dame de Candé se estoyt indulgé des vengeances. Ceste confes-