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BERTHE LA REPENTIE.

comme pour plusieurs femmes, ie ne dis pas les hommes, veu que ils ont de la science, cecy tourneroyt en fasson de menteries, l’escripturier ha eu cure de déduire les raisons muettes de ceste bigearrie, ie entends le desgoust de Berthe pour ce que ayment les dames par-dessus tout, sans que ce deffault de liesse luy vieillist la figure et luy tormentast le cueur. Rencontrerez-vous ung scribe autant complaisant et aymant les dames que ie suis ? Non, est-ce pas ? Aussi les aymay-ie bien fort et pas autant que ie vouldroys, veu que i’ay plus souvent ez mains le bec de ma plume d’oye que ie n’ay les barbes avecques lesquelles on leur chatouille les lèvres pour les rendre rieuses et iocqueter en toute innocence, i’entends avecques elles. Doncques vécy comme.

Le bon homme Bastarnay ne estoyt point ung fils gorgiasé, de nature pute, se cognoissant aux miesvreries de la chouse. Il se soulcioyt peu de la fasson d’occir ung souldard, pourveu que il feust occiz, et l’eust-il bien occiz de tous costez sans luy dire ung mot, en la meslée s’entend. Ceste parfaicte incurie en faict de mort concordoyt à son nonchaloir en faict de vie, naissance et manière de cuire ung enfant en ce gentil four que vous sçavez. Le bon sire ne cognoissoyt aulcunement les mille exploits processifs, dilatoires, interlocutoires, préparatoires, gentillesses, petits fagots mis au four pour l’eschauffer, branchaiges flairant comme baulme et amassez brin à brin ez forests de l’amour, fagoteries, bimbeloteries, doreloteries, mignardises, devis, confictures mangiées à deux, pourlescheries de coupe, ainsy que font les chats, et aultres menus suffraiges et traffics de l’amour que sçavent les ruffians, que confisent les amoureux, et que ayment les dames par-dessus leur salut, pour ce que elles sont plus chattes que femmes. Cecy esclatte en toute évidence dedans leurs mœurs femelles. Si vous prestez aulcune attention à les veoir, examinez-les curieusement alors que elles mangent. Nulle d’elles, ie dis les femmes nobles et bien éduquées, ne boutera son coultel à la frippe et l’engoulera soubdain ainsy que font brutalement les masles, ains fouillottera son mangier, triera comme pois gris sur ung vollet les brins qui luy agréent, sugcera les saulces et lairra les grosses bouchées, iouer de sa cuillera et du coultel comme si elle ne mangioyt que par authorité de iustice, tant elles haïent aller de droict fil, et d’abundant usent de destours, finesses, mignonneries en toute chouse. Ce qui est le propre de ces créatures, et la raison pourquoy les fils d’Adam en raffolent, veu que elles font les chouses