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BERTHE LA REPENTIE.

anges espandroyent en vous leurs perfums et feroyent leurs musicques.

— Dictes doncques esraument, cousine, feit Berthe.

— Doncques vécy comment me faisoyt devenir toute ioye mon bel amy.

En ce disant, Iehan print Berthe en ses bras et l’estraingnit avecques des dezirs sans pareils, pour ce que, au clair de la lampe et vestue de blanches toiles, elle estoyt en ce damné lict comme les iolies chouses nuptiales des lys au fund de leur calice virginal.

— Alors que il me tenoyt comme ie vous tiens, il me disoyt d’une voix plus doulce que ne est la mienne : « Ha ! Sylvie, tu es mon amour éterne, mes mille threzors, ma ioye de iour et de nuict ; tu es plus blanche que le iour ne est iour, plus gentille que tout ; ie t’ayme plus que Dieu, et vouldroys souffrir mille morts pour l’heur que ie requiers de toy. » Puis, me baisoyt non en la manière des espoux, qui est brute, mais columbellement.

Pour démonstrer incontinent combien estoyt meilleure la méthode des amans, il sugça tout le miel des lèvres de Berthe et luy apprint comment, de sa iolie langue menue et rose comme langue de chatte, elle pouvoyt moult parler au cueur sans dire ung seul mot ; puis, s’embrasant davantaige à ce ieu, Iehan espandit le feu de ses baisers de la bouche au col, et du col aux plus mignons fruicts que femme ayt oncques fait mordre à son enfant pour en tirer laict. Et quiconque eust esté en sa place se seroyt existimé ung maulvais homme de ne pas l’imiter.

— Ha ! feit Berthe engluée d’amour sans le sçavoir, cecy est mieulx : il me chault de le dire à Imbert.

— Estes-vous en vostre sens, cousine ? Ne dictes rien à vostre vieulx mary, veu que il ne peut faire doulces et plaisantes comme les miennes ses mains, qui sont rudes comme battoirs à laver, et ceste barbe pie doibt bien mal mener ce centre de délices, ceste rose en laquelle gist tout nostre esperit, nostre bien, nostre chevance, nos amours, nostre fortune. Sçavez-vous que ce est une fleur animée qui veult estre amignottée ainsy, et non sacquebutée, comme si ce estoyt une catapulte de guerre ? Ores, vécy la gente manière de mon aymé l’Angloys.

En ce disant, le ioly compaignon se comporta si bravement, qu’il advint une escopetterie où la paouvre ignarde Berthe s’esclama :