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BERTHE LA REPENTIE.

Le moyne revint plus esraument encores que il n’estoyt venu, si bien que le genest creva soubz luy dedans la court. Il arriva en la chambre où Berthe, cuydant son heure extresme advenue, baysoyt son enfant en se tordant comme ung lezard au feu, et ne gectoyt pas ung cry sur elle, ains sur cettuy enfant abandonné à la cholère de Bastarnay, oubliant ses torteures à la veue de ce cruel advenir.

— Prends, feit le moyne ; moy, i’ay la vie saulve.

Dom Iehan eut le fier couraige de dire ceste parole d’ung visaige ferme, encores que il sentist les griphes de la mort luy saisir le cueur. Si tost que Berthe eut bu, prieur de cheoir mort, non sans baiser son fils et resguarder sa mye d’ung œil qui ne varia plus mesmes après son darrenier sospir. Ceste veue la glassa comme marbre et l’espouvanta tant, que elle demoura roide devant ce mort estendu au rez de ses pieds, serrant la main à son enfant qui plouroyt, tandis que elle avoyt au contraire ung œil sec comme la mer Rouge alors que les Hébreux la passèrent conduicts par le baron Moïse, veu que elle cuydoyt y avoir sables aguz roulant soubz les paupières. Priez pour elle, ames charitables, pour ce que aulcune femme ne feut autant gehennée, en devinant que son amy lui saulvoyt la vie à ses despens. Aydée par son fils, elle bouta elle-mesme le moyne en