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LE PÉCHÉ VÉNIEL.

envie à la royne Lucrèce, laquelle s’occit pour avoir esté contaminée contre son gré.

— Ha ! se dit Blanche, si tant seulement cettuy paige avoyt quinze ans, ie m’endormiroys bien fort près de luy.

Aussi, maulgré la trop grant ieunesse de ce gentil serviteur, pendant la collation et le souper, elle guigna beaucoup la toison noire, la blancheur de peau, la graace de René, surtout ses yeulx, où estoyent en abundance une limpide chaleur et ung grant feu de vie, qu’il avoyt paour de darder, l’enfant !

Ores, à la vesprée, comme la senneschalle restoyt songeuse en sa chaire, au coin de l’aatre, le vieulx Bruyn l’interrogua sur son soulcy.

— Ie pense, feit-elle, que vous avez deu faire des armes en amour de bon matin, pour estre ainsy pieçà ruiné…

— Oh ! respondit-il en soubriant, comme tous vieulx questionnez sur leurs remembrances amoureuses, à l’aage de treize ans et demy, i’avoys engrossé la chambrière de ma mère…

Blanche, n’en soubhaitant pas davantaige, cuyda que le paige René debvoyt estre suffisamment guarny ; de ce, fust ioyeulse beaucoup, feit des agaceries au bonhomme, et se roula dans son dezir muet, comme ung gasteau qui s’enfarine.

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