Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/128

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de nouvelle fabrique foula majestueusement pendant un quart d’heure l’asphalte du boulevard, et, à neuf heures précises il était rendu rue de la Bienfaisance, où déjà Vautrin l’attendait dans son appartement.

— Monsieur le baron, lui dit celui-ci sans faire aucune allusion à leur rencontre de l’après-midi, vous avez peut-être quelque curiosité de savoir par quel côté vous pourriez être agréable à madame votre tante qui a pour vous tant de bontés. Elle a un grand désir de vous voir marié, et, j’ajoute, un grand intérêt personnel qui, plus tard, vous sera expliqué. Sachant déjà ce que vous avez ébauché du côté de mademoiselle Beauvisage, elle donne son entière approbation à votre choix. Tout ce que nous demandons donc de vous, c’est de poursuivre dans la voie où vous avez déjà débuté. La petite personne est pincée, et vous tomberiez bien au-dessous de l’opinion que nous avons de votre intelligence et de votre habileté, si, malgré les engagements qui peuvent avoir été pris avec M. de Trailles, vous ne parveniez pas à le supplanter. Ce futur est en ce moment absent, circonstance pour vous très heureuse. Poussez donc votre pointe, et si vous ne pouvez mieux faire, ma foi ! rendez le mariage inévitable. Tous les moyens sont bons quand le but est avouable.

D’ici à quelques jours, on vous introduira à l’hôtel Beauséant, et avec le train que vous a donné madame la comtesse de Werchauffen, il est impossible que vous y soyez mal accueilli. D’ailleurs, nous avons tous les moyens de vous faire bien venir ; mais rien ne serait possible si vous ne donniez au désir de madame votre tante un concours actif et dévoué ; ainsi, pas de demi-parole : peut-on compter sur vous ?

— Je ferai de mon mieux, dit le jeune Allemand, seulement il y a de grandes difficultés.

— On vous les aplanira. Ne vous occupez que de réussir auprès de mademoiselle Beauvisage. Quand vous aurez achevé ce que vous avez déjà si bien commencé, le reste ira de cire. Je ne dois pas, du reste, vous laisser ignorer que vous êtes engagé à réussir, car si, de votre fait, soit par tiédeur, soit par maladresse, la chose venait à manquer, la continuation de l’état de choses actuel pourrait être difficilement espéré.