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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/222

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nie préparée à Arcis, et qu’il avait connue seulement par le bruit public, lui donnait la mesure de la clémence à laquelle il devait s’attendre ; car enfin il ne se connaissait aucun tort avec Catherine Goussard, si ce n’est celui de l’avoir aimée comme jamais il n’avait fait d’aucune autre femme, et lui disputer la consolation de rendre les derniers devoirs à ses restes mortels lui avait semblé un procédé blessant et cruel. Afin de mieux dégrever monsieur de Sallenauve de sa présence, il venait d’envoyer sa démission à M. le préfet de police, et, après avoir réalisé tout ce qu’il possédait, il partirait pour l’étranger, emmenant avec lui Jacqueline Collin, qu’il avait décidée à le suivre. De cette manière, elle cesserait aussi de faire ombrage à celui qui, en effet, ne pouvait avoir de bons sentiments pour elle. Quant à lui, il pardonnait à cette femme en faveur du dévoûment sans mesure qu’elle lui avait montré dans toutes les circonstances de sa vie, et on ne trouverait pas mauvais, sans doute, qu’il en fît la compagne de ses derniers jours. Vieux restes impurs d’un déplorable passé, ils iraient ensemble pourrir et s’éteindre dans quelque coin ignoré ; mais, qu’elle qu’eût été la rigueur dont usait avec lui monsieur de Sallenauve, jamais il ne cesserait de le chérir et, à son heure suprême, il n’aurait pour lui que des paroles de bénédiction. »

Comme on s’en doute bien, Sallenauve se sentit très remué par cette lettre dont nous ne donnons ici qu’une sèche et froide analyse. Après la communication qu’il en avait reçue de Bricheteau, un nouveau conseil fut tenu entre les deux amis relativement au parti qu’il y avait à prendre vis-à-vis de cette douleur si humble et si résignée.

Pour parvenir à dominer la répulsion instinctive dont il ne pouvait se défendre, Sallenauve demanda encore quelques jours de répit, pendant lesquels il s’acclimaterait à l’idée d’une entrevue, et, en fin de cause, Bricheteau resta autorisé à prévenir M. Saint-Estève que, quelques jours plus tard, il irait le chercher pour le conduire au chalet.

Préoccupé de l’engagement qu’il venait de prendre, Sallenauve dormit mal, de telle sorte que, le lendemain, il