Aller au contenu

Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mien, et quoique tout le secret que je viens de vous confier paraisse solidement préservé, il est encore aux mains de M. de Rastignac et de Maxime de Trailles, qui, par un de ces accidents imprévus dont la vie est pleine, peuvent être amenés à fausser leur parole. Seul, j’ai d’avance pris mon deuil de ce malheur ; mais si vous deviez le partager…

M. de Rastignac, interrompit la comtesse, va devenir l’allié de notre famille ; il sera autant que nous intéressé à sa considération. Quant à M. de Trailles, il est si bas placé dans l’opinion, que M. de Rastignac, se chargeant pour vous de le démentir, personne ne croirait aux bruits répandus par cet homme. D’ailleurs, faut-il tout vous dire : je vous aime mieux, je crois, placé sous cette menace ; avant de vous savoir vulnérable par un côté, je trouvais en vous trop d’élévation ; vous me faisiez peur ; maintenant il y aura entre nous plus de cette égalité toujours désirable dans toute association.

À ce moment entra Naïs ; de son indisposition il ne lui restait plus qu’un peu de pâleur ; du reste elle était calme, et sur son visage éclatait ce contentement de l’âme que ne manquent jamais de créer la conscience d’une action généreuse et le sentiment d’un grand devoir accompli.

Prenant le ton d’une mère qui eût uni ses enfants :

— Eh bien ! dit-elle, tout est-il convenu, arrangé ?

— Oui, mon enfant, dit madame de l’Estorade, M. de Sallenauve sera ton beau-père ; mais il ne voudrait pas d’une méchante fille qui n’aurait pas pris avec elle-même l’engagement d’être raisonnable.

— Je suis plus que raisonnable, chère maman, je suis heureuse, dit Naïs en se jetant dans les bras de sa mère ; et vous, monsieur, dit-elle ensuite à Sallenauve en lui tendant la main, vous me promettez d’être bon, bien affectueux pour elle ? D’abord je ne vous la donne qu’à cette condition.

— Soyez tranquille, dit Sallenauve, nous ferons deux bons ménages.

— Vous allez donc, maman, écrire à madame de Rastignac, pour lui dire que je donne mon consentement plein et entier, et qu’elle peut, quand elle le voudra, nous présenter monsieur son cousin.