Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/247

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— Je n’en attendais pas moins de votre bravoure bien connue, dit Sallenauve ; reste maintenant un détail à régler entre nous. Il est d’usage que les témoins d’une affaire d’honneur soient mis au courant des faits qui l’ont motivée. Ici cette confidence me semble impossible ; car si nous voulions permettre aux amis qui nous assisteront de discuter nos situations respectives, plusieurs femmes : madame et mademoiselle de Lanty, Catherine Goussard, ma mère, et enfin madame de Trailles, et peut-être madame de Rastignac, devraient être compromises dans le débat. D’ailleurs, je suis décidé à ne me prêter à aucune espèce d’arrangement ; vous penserez donc sans doute comme moi que la mission de nos témoins doit se résumer à régler les conditions de la rencontre et à vouloir bien l’honorer de leur présence.

— Je donnerai mes instructions en ce sens, répondit Maxime. Où ces messieurs se rencontreront-ils ?

— Vous êtes marié, dit Sallenauve, il faut éviter les esclandres ; ici est donc difficile ; chez moi, à Ville-d’Avray, c’est un grand déplacement.

— Vous pouvez, je pense, dit M. de Trailles, indiquer à vos témoins l’hôtel du colonel Franchessini, rue de Larochefoucauld. Je ne pense pas qu’il me refuse son assistance, et d’ailleurs il est au courant d’une partie des choses qui ont amené notre petit débat.

— Eh bien ! donc, ce soir, à huit heures, dit Sallenauve ; il y aura quelqu’un de ma part chez le colonel ; je prends ce délai parce que ma résolution a été subite et que je ne me suis encore assuré de personne.

— Ah ! vous avez tout le temps, dit Maxime en homme qui se sentait sûr de son fait.

— À bientôt donc, monsieur le comte, dit Sallenauve en se levant.

M. de Trailles le reconduisit jusqu’à la porte de son antichambre, et ils se séparèrent avec toute l’apparence de gens qui mettent fin à la visite la plus cérémonieuse, mais aussi la plus pacifique.

Un peu plus tard, Sallenauve se présenta chez M. de Canalis, son ancien collègue à la Chambre des députés.

— Mon cher monsieur de Canalis, lui dit-il, vous avez bien voulu me servir de parrain lors de ma laborieuse en-