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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/266

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reuse et plus noble. Aussi, moi, est-ce dans cette noblesse et dans cette générosité que j’espère, pour obtenir mon pardon.

— Ne parlons pas de pardon, dit Sallenauve, en serrant la main du pauvre garçon ému jusqu’aux larmes ; parlons de mon amitié qui vous fut toujours offerte et que je suis heureux de vous voir enfin accepter.

— Et la mienne par-dessus le marché ! dit gaîment Bricheteau.

Pendant qu’une chaude poignée de mains s’échangeait entre Armand et l’organiste, René entra à sa manière, comme un boulet de canon, et se jetant au cou de Sallenauve :

— Mon brave ami, lui dit-il, au sortir de la classe, l’histoire de votre duel a été connue ; je vous apporte l’approbation en masse du collège Henri IV et celle de toutes les écoles préparatoires pour la marine.

— Bon René ! dit madame de l’Estorade en embrassant son second fils et en portant son mouchoir à ses yeux. Ensuite elle se leva, passa dans une pièce voisine, et ne tarda pas à en revenir, apportant la lettre dont elle avait parlé à Sallenauve et qu’elle lui remit.

« Ma chère sœur, écrivait mademoiselle de Lanty, j’ai ce bonheur que, dans les habitudes de la sainte vie à laquelle je me suis vouée, ce doux nom puisse vous être donné sans éveiller un regrettable souvenir. Il m’en eût coûté de vous appeler madame, car, sans vous connaître, je vous aime ; et comment en serait-il autrement ? On vous dit pleine de vertus et de grâces, et il paraît que, par la forme extérieure, notre ressemblance a quelque chose de frappant.

» Quand vous êtes venue à notre maison et qu’à notre mère supérieure, vous offrant de me faire appeler, vous avez répondu que cette entrevue ne vous paraîtrait pas convenable, j’ai peur, ma chère sœur, que vous n’ayez cédé à un sentiment que je suis bien étonnée d’exciter encore. Sœur Eudoxie n’est pas plus faite pour aller sur les brisées de personne ; elle a dit adieu à tous les souvenirs et à toutes les pensées du monde, et quoique aujourd’hui elle pût paraître pure et sans tache devant l’homme à l’estime duquel elle convient avoir autrefois