Page:Balzac - Les petits bourgeois, tome 1, 1855.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

détails nécessaires à l’histoire des mœurs, et les habiles ménagères y trouveront des leçons. On n’a pas fait pendant vingt ans des sacs vides, sans chercher les moyens d’en remplir quelques-uns pour soi. Or, Brigitte a ceci de particulier qu’elle unissait à la fois l’économie à laquelle on doit la fortune et l’entente des dépenses nécessaires. Sa prodigalité relative, dès qu’il s’agissait de son frère ou de Céleste, était l’antipode de l’avarice. Aussi se plaignait-elle souvent de ne pas être avare. A son dernier dîner,

— 212 --

elle avait raconté comment, après avoir combattu pendant dix minutes et avoir souffert le martyre, elle avait fini par donner dix francs à une pauvre ouvrière du quartier qu’elle savait pertinemment être à jeun depuis deux jours.

— La nature, dit-elle naïvement, a été plus forte que la raison.

La soupe offrait un bouillon quasi blanc ; car, même dans une occasion de ce genre, il y avait recommandation à la cuisinière de faire beaucoup de bouillon ; puis, comme le bœuf devait nourrir la famille le lendemain et le surlendemain, moins il fournissait de sucs au bouillon, plus substantiel il était. Le boeuf, peu