Page:Balzac - Les petits bourgeois, tome 1, 1855.djvu/38

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de vingt-trois, unirent leurs destinées. Le frère et la sœur avaient l’un pour l’autre une excessive affection. Si Jérôme, alors à l’époque de ses succès était gêné, sa sœur, vêtue de bure et les doigts pelés par le fil qui lui servait à coudre, offrait toujours quelques louis à son frère. Aux yeux de Brigitte, Jérôme était le plus bel homme et le plus charmant de l’Empire français. Tenir le ménage de son frère, être initiée à ses secrets de Lindor et de Don Juan, être sa servante, son caniche fut le rêve de Brigitte, elle s’immola presqu’amoureusement à une idole dont l’égoïsme allait être agrandi, sanctifié par elle ; elle vendit quinze mille francs sa clientèle à sa première ouvrière, et vint s’établir rue d’Argenteuil chez son frère en se faisant la mère, la protectrice, la servante de cet enfant chéri des dames. Brigitte, par une prudence naturelle à une fille qui devait tout à sa discrétion et à son travail, cacha sa fortune à son frère, elle craignit sans doute les dissipations d’une vie d’homme à bonnes fortunes, elle mit seulement six cents francs dans le ménage, ce qui avec les dix-huit cents francs de Jérôme, permettait de joindre les deux bouts de l’année.