Page:Balzac - Les petits bourgeois, tome 1, 1855.djvu/50

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verser des torrents de larmes, entretint longtemps le mépris de Brigitte qui lui reprochait de n’être bonne à rien, pas même à faire des enfants. Cette vieille fille, qui s’était tant promis d’aimer l’enfant de son frère comme le sien, ne cessa que vers 1820 de gémir sur l’avenir de leur fortune qui, disait-elle, irait au gouvernement. Au moment où commence cette histoire, en 1839, à quarante-six ans, Céleste avait cessé de pleurer, car elle avait acquis la triste certitude de ne pouvoir jamais devenir mère. Chose étrange, après vingt-cinq ans de cette vie où la victime avait fini par désarmer, par lasser le couteau, Brigitte aimait Céleste autant que Céleste aimait Brigitte. Le temps, l’aisance, le frottement perpétuel de la vie domestique qui sans doute avait adouci les angles, usé les aspérités, la résignation et la douceur paschale de Céleste, amenèrent un automne serein. Ces deux femmes étaient d’ailleurs réunies par le seul sentiment qui les eût animées : leur adoration pour l’heureux et égoïste Thuillier. Enfin, ces deux femmes, toutes les deux sans enfants, avaient toutes les deux, comme toutes les

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femmes qui ont vainement désiré