Page:Balzac - Les petits bourgeois, tome 1, 1855.djvu/75

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Madame Colleville était, en femme, la personne la plus distinguée de ce monde, comme Minard fils, le professeur Phellion, en étaient les hommes supérieurs ; car tous les autres, sans idées, sans instruction, sortis des rangs inférieurs, offraient les types et les ridicules de la petite bourgeoisie. Quoique tout parvenu suppose un mérite quelconque, Minard était un ballon bouffi, s’épanchant en phrases filandreuses, prenant l’obséquiosité pour de la politesse et la formule pour de l’esprit, il débitait des lieux communs avec un aplomb et une rondeur qui s’acceptaient comme de l’éloquence. Ces mots, qui ne disent rien et répondent à tout, progrès, vapeur, bitume, garde nationale, ordre, élément démocratique, esprit d’association, légalité, mouvement et résistance, intimidation, semblaient à chaque phrase politique inventés pour Minard, qui paraphrasait alors les idées de son journal. Julien Minard, le jeune avocat, souffrait autant de son père que son père souffrait de sa femme. En effet, avec la fortune, Zélie avait pris des prétentions, sans avoir jamais pu apprendre le français ; elle était devenue grasse, et ressemblait toujours