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Page:Balzac - Pensées, sujets, fragments, éd. Crépet, 1910.djvu/27

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sable à son tempérament apoplectique, Laure fait livrer chez elle les épreuves de son frère.

Tout le jour et la moitié de la nuit, Balzac commande à sa plume de courir, et elle obéit. Elle court pour la Mode de Girardin, pour la Silhouette de Ratier, pour l’Europe littéraire de Bohain, pour la Caricature de Philipon, pour tous les petits périodiques, dont elle ne peut encore dédaigner les subsides ; elle court pour le Rénovateur de Berryer et pour le Feuilleton des journaux politiques, et pour la Revue de Paris et pour la Revue des Deux Mondes ; elle court pour les Scènes de la Vie Privée qui vont paraître chez Mame-Delaunay et pour les Romans et Contes philosophiques qu’attendent Charles Gosselin et Urbain Canel. Tour à tour badine, austère, licencieuse, romantique ou réaliste, elle aborde les genres les plus divers, la charge, la politique, l’histoire, la chronique, le roman, la nouvelle, la monographie, etc. daube sur Marmiton-Civet et les Philipotins, rend compte du livre nouveau, terrifie le lecteur avec la Vendetta, el Verdugo, ou le Réquisitionnaire, le moralise avec le Bal de Sceaux ou la Maison du Chat qui pelote, l’inquiète avec Sarrasine, l’émoustille avec les Contes drolatiques, le déconcerte avec la Femme de trente ans…

Point de trêve. Quand Balzac est las, il se verse force tasses de ce café dont le docteur Minoret nous a conservé la recette ; quand il ne peut plus rédiger, il corrige et se mesure avec la syntaxe ; ou bien il appelle Ratier et Sandeau pour leur dicter la substance de quelque trois ou quatre drames mirifiques… qu’il ne reste plus qu’à écrire. — et qu’ils n écriront jamais, ces paresseux !… Ou bien il fait des comptes, suppute le profit qu’il peut tirer d’une