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URSULE MIROUET.

part, pas même sur ces roches… Je ne veux rien savoir de ce qui se passe dans l’autre monde.

— Je me retire, monsieur, je n’ai pas fait ce chemin par la chaleur pour mon plaisir, dit le prêtre en s’essuyant le front.

— Eh ! bien, qu’a-t-il dit, le bonhomme ? demanda Minoret.

— Vous êtes menacé de perdre votre fils. S’il a raconté des choses que vous seul saviez, c’est à faire frémir pour les choses que nous ne savons pas. Restituez, mon cher monsieur, restituez ! Ne vous damnez pas pour un peu d’or.

— Mais restituer quoi ?

— La fortune que le docteur destinait à Ursule. Vous avez pris ces trois inscriptions, je le sais maintenant. Vous avez commencé par persécuter la pauvre fille, et vous finissez par lui offrir une fortune ; vous tombez dans le mensonge, vous vous entortillez dans ses dédales et vous y faites des faux pas à tout moment. Vous êtes maladroit, vous avez été mal servi par votre complice Goupil qui se rit de vous. Dépêchez-vous, car vous êtes observé par des gens spirituels et perspicaces, par les amis d’Ursule. Restituez ! et si vous ne sauvez pas votre fils, qui peut-être n’est pas menacé, vous sauverez votre âme, vous sauverez votre honneur. Est-ce dans une société constituée comme la nôtre, est-ce dans une petite ville où vous avez tous les yeux les uns sur les autres, et où tout se devine quand tout ne se sait pas, que vous pourrez celer une fortune mal acquise ? Allons, mon cher enfant, un homme innocent ne me laisserait pas parler si long-temps.

— Allez au diable ! s’écria Minoret, je ne sais pas ce que vous avez tous après moi. J’aime mieux ces pierres, elles me laissent tranquille.

— Adieu, vous avez été prévenu par moi, mon cher monsieur, sans que, ni la pauvre enfant ni moi, nous ayons dit un seul mot à qui que ce soit au monde. Mais prenez garde !… il est un homme qui a les yeux sur vous. Dieu vous prenne en pitié !

Le curé s’éloigna, puis à quelques pas il se retourna pour regarder encore Minoret. Minoret se tenait la tête entre les mains, car sa tête le gênait. Minoret était un peu fou. D’abord, il avait gardé les trois inscriptions, il ne savait qu’en faire, il n’osait aller les toucher lui-même, il avait peur qu’on ne le remarquât ; il ne voulait pas les vendre, et cherchait un moyen de les transférer. Il faisait, lui ! des romans d’affaires dont le dénoûment était toujours