Page:Balzac Histoire des oeuvres 1879.djvu/148

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société du XVIIe siècle ? qu’est-ce que M. de Balzac, sinon le moraliste, le philosophe qui a le mieux compris, le plus fidèlement peint le XIXe siècle. Si M. de Balzac avait vécu sous Louis XIV, il eût fait les Femmes Savantes, Tartufe, Georges Dandin, le Misanthrope ; si Molière vivait de nos jours, il écrirait la Comédie humaine.

De quel écrivain contemporain, pourrait-on en dire autant. Quel plus bel éloge pourrait-on faire d’un auteur !… — L’oubli aura jeté le linceul sur bien des réputations, que celle de M. de Balzac n’aura pas été seulement entamée.

Cet ouvrage contient des fragments de trois articles de Balzac ; le premier, intitulé : un Espion à Paris : le petit père Fromenteau, bras droit des gardes du commerce, et le troisième : une Marchande à la toilette, ou Madame la Ressource en 1844, ont paru tous deux dans le Diable à Paris, deux volumes in-8o chez Hetzel 1845-1846, où ils faisaient partie d’une série intitulée : les Comédies qu’on peut voir gratis à Paris, à laquelle appartenait aussi Gaudissart II (voir plus haut). Le deuxième a paru dans le Siècle du 19 août 1845, sous le titre de : Étude de mœurs. IILe Luther des chapeaux. Nous allons donner les fragments de ces articles qui n’ont pas été conservés dans les Comédiens sans le savoir, en suivant l’ordre où ils se trouvent reproduits dans l’ouvrage. Nous sommes forcés, pour le sens, de laisser quelques doubles emplois.

I
UNE MARCHANDE À LA TOILETTE
OU MADAME LA RESSOURCE EN 1844.

les comédies qu’on peut voir gratis à paris

Jusqu’à présent, les peintres de mœurs ont mis en scène beaucoup d’usuriers : mais on a oublié l’usurière des femmes dans l’embarras, la madame La Ressource d’aujourd’hui, personnage excessivement curieux, appelée décemment marchande à la toilette.

Avez-vous quelquefois, en flânant, remarqué dans Paris une de ces boutiques dont la négligence fait tache au milieu des éblouissants magasins modernes, boutique à devanture peinte en 1820, et qu’une faillite a laissée au propriétaire de la maison dans un état douteux ? la couleur a disparu sous une double couche imprimée par l’usage et grassement épaissie par la poussière ; les vitres sont sales, le bec-de-cane tourne de lui-même, comme dans tous les endroits d’où l’on sort encore plus promptement qu’on n’y rentre. Là trône une femme entre les plus belles parures arrivées à cette phase horrible où les robes ne sont plus des robes et ne sont pas encore des haillons. Le cadre est en harmonie avec la figure que cette femme se compose, car ces boutiques sont une des plus sinistres particularités de