À UN HÔTEL DE VILLE EXTRÊMEMENT ÉLOIGNÉ DE PARIS.
Un Préfet, très-agité. — Diable ! diable ! j’ai à organiser aujourd’hui même une fête superbe, éblouissante, séduisante, et, pour cela, je n’ai à moi ni temps, ni ouvriers, ni instruments, ni invités, et, ce qui est pire, point d’argent !… Mais j’ai mis tout mon monde en campagne, toute la préfecture court la ville, et, pour peu que mes agents ne soient pas des imbéciles ni mes administrés des gens d’esprit, peut-être pourrai-je parvenir à organiser ma fête… ou une fête quelconque… car, après tout, pourvu que ce soit une fête, voilà ce qu’il me faut…
Premier Agent, tout essoufflé. — Monsieur le préfet, je vous amène le corps des tapissiers. Mais, comme on sait par la ville l’embarras de votre position, ils ne consentent à vous prêter appui qu’autant que vous leur accorderez certaines prérogatives… (Tirant un papier de sa poche d’agent.) Au reste, voilà leurs conditions…
Le Préfet. — C’est bon, c’est bon ; jette ça au panier ; dis-leur que tout ce qu’ils demandent leur sera accordé, et mets-moi vite ces gaillards-là à la besogne.
Second Agent, aussi essoufflé que le premier. — Monsieur le préfet, je vous amène un orchestre complet ; mais MM. les musiciens ne veulent jouer ce soir qu’à condition que…
Le Préfet. — C’est bon, c’est bon ; toutes les conditions possibles, je les accepte. Nous aurons donc des musiciens ?
L’Agent. — Oui, monsieur le préfet, et des rafraîchissements aussi. Le limonadier de la préfecture veut bien en fournir gratis, mais seulement si l’on diminue ses contributions…
Le Préfet. — Va dire à ces bonnes gens-là que je serai le plus complaisant de tous les préfets, et fais vite apporter les instruments et la limonade ; dépêche-toi.