Et, deux jours après, le primat de Hongrie était mort du choléra-morbus.
C’était lors de la dernière session. Certain président de certaine cour, comme qui dirait Me Duplex, par supposition, ce jour-là satisfait de lui comme chaque jour, supplia sa femme de venir être témoin de ses succès. Car, si les talents du président n’ont point encore percé au Palais, sa femme, sa bonne et son portier l’avaient jusque-là cru sur parole.
L’affaire promettait des détails curieux ; le président devait être sublime ; sa femme jugea convenable de briller du reflet de la sublimité conjugale, et elle vint à l’audience.
Une toilette élégante, une figure jolie furent bientôt remarquées au barreau ; aussi un jeune avocat se chargea-t-il d’abréger l’attente de la séance, en liant conversation avec la dame.
D’abord ce furent des lieux communs, vulgaires comme la pluie et le beau temps, puis on vint à parler du procès qui allait commencer.
— La cause sera pleine d’intérêt ? demanda la jeune femme.
— Elle en comporte tous les éléments, reprit l’avocat ; mais, avec un président comme celui qui siége, il y a peu de développements à espérer.
— Comment, monsieur ?
— Oui, madame, avec lui, le droit de la défense est singulièrement limité. Il passe parmi ses collègues pour un médiocre magistrat : on va même jusqu’à dire que son cousin le caporal Ag… lui est supérieur ; ainsi, madame, jugez par comparaison…
Et le front de la jolie dame de se rembrunir, et ses lèvres de se contracter. Heureusement, le cri rauque de l’huissier annonçant la cour vint mettre un terme au colloque. L’avocat regagna son banc après de gracieuses salutations à la confidente de ses opinions particulières, et celle-ci, les prenant naturellement pour de pures calomnies, prêta une attention fort intéressée.
D’après les nouvelles habitudes de la presse relativement à la liberté, et de la liberté relativement à la presse, un journaliste, malade de trop de franchise, était appelé à rendre compte d’un article.
D’abord parle le substitut aussi longuement qu’il veut, aussi passablement qu’il peut ; puis l’avocat commence la défense.
Mais ici concurrence entre le président et l’avocat.
— Je parlerai.
— Vous ne parlerez pas…
— J’en ai le droit.