Page:Balzac Le Père Goriot 1910.djvu/204

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il étreignait la société, Rastignac s’habilla, demanda une voiture, et vint chez madame de Restaud. Depuis quelques jours, cette femme avait redoublé de soins pour un jeune homme dont chaque pas était un progrès au cœur du grand monde, et dont l’influence paraissait devoir être un jour redoutable. Il paya MM. de Trailles et d’Ajuda, joua au whist une partie de la nuit, et regagna ce qu’il avait perdu. Superstitieux comme la plupart des hommes dont le chemin est à faire et qui sont plus ou moins fatalistes, il voulut voir dans son bonheur une récompense du Ciel pour sa persévérance à rester dans le bon chemin. Le lendemain matin, il s’empressa de demander à Vautrin s’il avait encore sa lettre de change. Sur une réponse affirmative, il lui rendit les trois mille francs en manifestant un plaisir assez naturel.

— Tout va bien, lui dit Vautrin.

— Mais je ne suis pas votre complice, dit Eugène.

— Je sais, je sais, répondit Vautrin en l’interrompant. Vous faites encore des enfantillages. Vous vous arrêtez aux bagatelles de la porte.

Deux jours après, Poiret et mademoiselle Michonneau se trouvaient assis sur un banc, au soleil, dans une allée solitaire du Jardin des plantes, et causaient avec le monsieur qui paraissait à bon droit suspect à l’étudiant en médecine.

— Mademoiselle, disait M. Gondureau, je ne vois pas d’où naissent vos scrupules. Son Excellence monseigneur le ministre de la police générale du royaume…

— Ah ! Son Excellence monseigneur le ministre de la police générale du royaume… ! répéta Poiret.