Page:Balzac Le Père Goriot 1910.djvu/296

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— Madame, je paierai et je me tairai, répondit-il sans attendre la question.

— Tu as tué notre père, Nasie ! dit Delphine en montrant le vieillard évanoui à sa sœur, qui se sauva.

— Je lui pardonne bien, dit le bonhomme en ouvrant les yeux, sa situation est épouvantable et tournerait une meilleure tête. Console Nasie, sois douce pour elle, promets-le à ton pauvre père, qui se meurt, demanda-t-il à Delphine en lui pressant la main.

— Mais qu’avez-vous ? dit-elle tout effrayée.

— Rien, rien, répondit le père, ça se passera. J’ai quelque chose qui me presse le front, une migraine… Pauvre Nasie, quel avenir !

En ce moment la comtesse rentra, se jeta aux genoux de son père :

— Pardon ! cria-t-elle.

— Allons, dit le père Goriot, tu me fais encore plus de mal maintenant.

— Monsieur, dit la comtesse à Rastignac, les yeux baignés de larmes, la douleur m’a rendue injuste. Vous serez un frère pour moi ? reprit-elle en lui tendant la main.

— Nasie, lui dit Delphine en la serrant, ma petite Nasie, oublions tout.

— Non, dit-elle, je m’en souviendrai, moi !

— Les anges, s’écria le père Goriot, vous m’enlevez le rideau que j’avais sur les yeux, votre voix me ranime. Embrassez-vous donc encore. — Eh bien ! Nasie, cette lettre de change te sauvera-t-elle ?

— Je l’espère. Dites donc, papa, voulez-vous y mettre votre signature ?