Page:Balzac Le Père Goriot 1910.djvu/343

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— Elle arrive trop tard, dit Rastignac.

Ce n’était pas Delphine, c’était Thérèse, sa femme de chambre.

— Monsieur Eugène, dit-elle, il s’est élevé une scène violente entre monsieur et madame, à propos de l’argent que cette pauvre madame demandait pour son père. Elle s’est évanouie, le médecin est venu, il a fallu la saigner, elle criait : « Mon père se meurt, je veux voir papa ! » Enfin, des cris à fendre l’âme…

— Assez, Thérèse. Elle viendrait que maintenant ce serait superflu, M. Goriot n’a plus de connaissance.

— Pauvre cher monsieur, est-il mal comme ça ! dit Thérèse.

— Vous n’avez plus besoin de moi, faut que j’aille à mon dîner, il est quatre heures et demie, dit Sylvie qui faillit se heurter sur le haut de l’escalier avec madame de Restaud.

Ce fut une apparition grave et terrible que celle de la comtesse. Elle regarda le lit de mort, mal éclairé par une seule chandelle, et versa des pleurs en apercevant le masque de son père où palpitaient encore les derniers tressaillements de la vie. Bianchon se retira par discrétion.

— Je ne me suis pas échappée assez tôt, dit la comtesse à Rastignac.

L’étudiant fit un signe de tête affirmatif plein de tristesse. Madame de Restaud prit la main de son père, la baisa.

— Pardonnez-moi, mon père ! Vous disiez que ma voix vous rappellerait de la tombe ; eh bien, revenez un moment à