Page:Balzac Le Père Goriot 1910.djvu/77

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tous les secrets d’une femme sans qu’elle s’en doute. Rastignac se sentit une haine violente pour ce jeune homme. D’abord, les beaux cheveux blonds et bien frisés de Maxime lui apprirent combien les siens étaient horribles ; puis Maxime avait des bottes fines et propres, tandis que les siennes, malgré le soin qu’il avait pris en marchant, s’étaient empreintes d’une légère teinte de boue ; enfin, Maxime portait une redingote qui lui serrait élégamment la taille et le faisait ressembler à une jolie femme, tandis qu’Eugène avait à deux heures et demie un habit noir. Le spirituel enfant de la Charente sentit la supériorité que la mise donnait à ce dandy, mince et grand, à l’œil clair, au teint pâle, un de ces hommes capables de ruiner des orphelins. Sans attendre la réponse d’Eugène, madame de Restaud se sauva comme à tire-d’aile dans l’autre salon, en laissant flotter les pans de son peignoir qui se roulaient et se déroulaient de manière à lui donner l’apparence d’un papillon ; et Maxime la suivit. Eugène furieux suivit Maxime et la comtesse. Ces trois personnages se trouvèrent donc en présence, à la hauteur de la cheminée, au milieu du grand salon. L’étudiant savait bien qu’il allait gêner cet odieux Maxime ; mais, au risque de déplaire à madame de Restaud, il voulut gêner le dandy. Tout à coup, en se souvenant d’avoir vu ce jeune homme au bal de madame de Beauséant, il devina ce qu’était Maxime pour madame de Restaud, et avec cette audace juvénile qui fait commettre de grandes sottises ou obtenir de grand succès, il se dit :

— Voilà mon rival, je veux triompher de lui.

L’imprudent ! il ignorait que le comte Maxime de