Scène cinquième
Te voilà regardé par tous ces yeux ardents,
Ésope !
Mais écoute : veux-tu savoir ce que je t’offre ?
On dit que tout mon or entassé dans ce coffre
T’accusera. S’il en est ainsi, je ne veux
Pas le savoir. Donc, pas d’inutiles aveux
Et si tu m’as trahi, puisque je t’aime encore,
Moi, ton maître, je veux l’ignorer, je l’ignore ;
Car je n’accable pas ceux que j’ai pu chérir.
On va donc emporter le coffre et, sans l’ouvrir,
Ésope, on le noiera dans les flots du Pactole.
Donc, si tu fis de l’or dérobé ton idole,
Ce mystère jamais ne peut être éclairci.
Ma clémence, dis-moi, te convient-elle ainsi ?
Oui, si tu le veux. Parle. Ordonne à ton esclave.
Je cède sans révolte à mon sort qui s’aggrave.
Car je te dois ma vie et je te dois, seigneur,
Même ce que je n’ose appeler : mon honneur.
Accusé devant toi, je n’ai pas le droit d’être
Justifié. Ton dur soupçon, mon noble maître,
M’a déjà retranché d’entre les innocents.
Fais porter le coffre au Pactole, j’y consens.
Pas moi. Je t’ai connu, je fus ton alliée
Jadis, quand j’étais une esclave humiliée,
Proie offerte au grand air, au soleil, à l’affront.
Alors que je portais des fardeaux sur mon front.
Un état n’est pas vil, quand tu le glorifies,