Ô Roi, lorsque rentré le soir dans ma maison
Sentant la flatterie égarer ma raison,
Je rêve, tourmenté par des vapeurs étranges,
Pour avoir longtemps bu le poison des louanges,
Seul, je dépouille alors, pour n’être plus troublé
La pourpre et les joyaux dont tu m’as affublé,
Et je revêts, pour qu’ils me rendent l’énergie,
Ces haillons vils que j’ai rapportés de Phrygie.
Alors, disgracieux, hideux, horrible à voir,
Je me regarde au cuivre étonné du miroir,
Et je dis : Favori du Roi que nul ne brave,
C’est toi ce gueux sinistre et c’est toi cet esclave.
Adoré dans le faste et l’éblouissement,
Sache bien que ta pourpre est un déguisement.
Oui, me regardant au miroir brillant et sombre,
C’est ainsi que je parle à mon reflet dans l’ombre.
Souviens-toi que tu fus triste, seul, opprimé,
Traînant ainsi qu’un loup ta maigreur, affamé,
Las, sordide, oublié par les Dieux secourables,
Et tâche d’être bon pour tous les misérables !
Qu’en dites-vous ?
Tu m’avais pris. J’ai dû rester fidèle, humain,
Doux pour les petits, et je veux, quoique je fasse,
Que la Vérité m’aide et me regarde en face !
Voilà mes crimes.
Tout n’est pas fini. Dieux ? Qui l’eût pensé jamais ?
Peuple, tu frémiras. Ce que tu vas entendre
Est sombre. Il s’est trouvé deux traîtres pour te vendre
Ainsi qu’un vil bétail, et de même que toi,