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Page:Banville - Œuvres, Le Sang de la coupe, 1890.djvu/185

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histoire de la ballade

souplesse et de la précision fit reprendre en goût les vieux rhythmes, exercices de la rime et de la mesure. Le Sonnet, le Rondeau abandonnés après Voiture et La Fontaine reparurent ; le Triolet même retrouva des dévots. La Ballade seule fut négligée, ou plutôt fut omise, non par dédain, j’aime à le croire, mais par mégarde, ou du moins, par malentendu. On passa près d’elle sans la reconnaître.

Délaissée dès le xviie siècle, au temps de Molière, alors que le Rondeau et le Sonnet florissaient encore, la Ballade n’était pas seulement oubliée ; elle était méconnue. Elle n’avait eu ni un Bensserade, ni un Voiture pour illustrer son déclin. Une étrangère avait pris sa place, et l’avait si bien remplacée, qu’on ne la connaissait plus.

Clairs de lune, châteaux en ruine hérissant les monts, lacs mystérieux hantés par les Elfes, chevaliers-fantômes surgissant visière baissée dans l’oratoire des châtelaines, coursiers infernaux emportant au galop les amants parjures, amoureuses Ondines tapies dans les roseaux, spectres, apparitions, vampires, échos fallacieux, couvents profanés, chasseurs aventureux trouvés morts un matin dans la clairière, Dieu sait de quelle faveur vous avez joui de 1820 à 1835 ! Dieu sait le compte des têtes que vous avez tournées, des cœurs que vous avez fait battre, et aussi avec quelle ardeur tu as été courtisée et poursuivie de roc en roc, le long de ton vieux fleuve,