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le baiser

Goûtant dans le repos d’éternelles douceurs,
Des palais merveilleux bâtis de chrysoprases,
Où nous vivons parmi les chants et les extases.
Pour me cacher, le lys ouvre son cœur charmant.
J’ai des fleuves où l’or se mêle au diamant.
Nous volons dans les airs charmés, d’une aile heureuse,
Et je m’endors, la nuit, dans une perle creuse
Où rêve le Sommeil, de mes lys ébloui.
Je perdrais tout cela, si je te disais : Oui.

Pierrot.

Ah ! ce mot que j’attends, dites-le tout de même !
Foin de l’or ! Être heureux, c’est l’unique problème,
Et les clairs diamants ne font pas le bonheur.
Le divin peintre Amour, savant enlumineur,
De son léger pinceau brossant pour nous des toiles
Où tu verras des tas de rubis et d’étoiles,
Nous fera des palais plus brillants que les tiens,
Et deux bons : Tu l’auras, ne valent pas un : Tiens.
Viens-nous-en.

Urgèle.

Viens-nous-en. Non. Je suis vertueuse.

Pierrot.

Viens-nous-en. Non. Je suis vertueuse. Futile
Prétexte. La vertu n’est qu’un meuble inutile.

Urgèle.

Pas pour moi. Si j’ai pu flirter incidemment,