Puis, comment laissent-ils auprès de leurs trésors,
Eux qui, Dieu sait pourquoi, sont si souvent dehors,
Ces soubrettes d’esprit aux gorges découvertes,
Dont la robe et la main à chacun sont ouvertes,
Et qui, tout en jouant aux vieux de si bons tours,
Veillent folâtrement sur le nid des Amours ?
Filles de bon conseil, retorses comme un juge,
Promptes à la réplique ainsi qu’au subterfuge,
Vous faites bien pendant à ces dignes Scapins
Dans leurs manteaux d’azur que Watteau nous a peints !
Heureusement votre âme est encore assez probe
Pour démasquer Tartuffe, un allongeur de robe,
Qui cache à tout propos son cœur licencieux
Sous le manteau divin de l’église et des cieux,
Et qui, tout en parlant de l’enfer lamentable,
Pousse pieusement Elmire sur la table ;
Tartuffe, ce penseur aux lèvres de rubis
Que nous trouvons partout et sous tous les habits ;
Qui tâte des deux mains en profond philosophe,
Le désir sous les mots, la chair avec l’étoffe,
Et dans ce monde étrange où le mal est tyran
Serait leur maître à tous, s’ils n’avaient pas don Juan !
C’est le roi, celui-là ! c’est le roi, faites place !
Regardez ! c’est don Juan qui porte un cœur de glace,
Qui, tenant dans sa main le magique rameau,
Corrompt la grande dame et l’enfant du hameau,
Raille, sans essuyer le sang après sa manche,
Son père en cheveux blancs, après monsieur Dimanche,
Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/49
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