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LES EXILÉS

Supporte le goulot, d’où tombe un flot d’argent.
Les perles en fusée et le cristal changeant
Ruissellent, et déjà leur écume s’efface
Dans l’ombre du bassin luisant, dont la surface
Répète dans son clair miroir de flots tremblants
Les jambes de l’enfant naïve et ses pieds blancs.
Oh ! parmi les lotos ouverts et les narcisses,
Où vont tes pieds glacés, Source aux fraîches délices ?
Où tes flots, à présent dans la mousse tapis,
Baigneront-ils au loin des champs mouvants d’épis ?
Où verras-tu frémir aussi dans tes opales
Le pin, et l’olivier que tordent les rafales ?
T’enfuis-tu dans la nuit vers le vallon désert,
Vers le sentier rougeâtre où croît l’euphorbe vert,
Où l’on voit se flétrir sous les pieds des bacchantes
La violette aux yeux mourants et les acanthes ?
Où vas-tu, bleue et froide en tes sombres chemins,
Clarté ? Chercheras-tu les buissons de jasmins
Ou la cité bruyante et pleine d’allégresse
Que parent les héros issus d’une Déesse,
Les tueurs de lions, qui sur leur large flanc
Tourmentent de la main des glaives teints de sang ?
Ô Source, dans les champs de la fertile Épire,
L’Achéron se courrouce et l’Aréthon soupire ;
Le Pénée, aux baisers des Nymphes échappé,
Court, ivre de désir, vers la molle Tempé ;
L’Étolie a des bois odorants où circule
L’Achéloos meurtri par le divin Hercule ;