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LES EXILÉS


Non, pour voir jusqu’à lui de pâles favorites
Lever l’œil extatique et voilé du martyr,
Il n’avait pas versé de larmes hypocrites,
Et jamais Célio n’eut besoin de mentir.

Car la séduction émanait de son être,
Comme du diamant le rayon étoilé.
Il n’avait qu’à venir pour dominer en maître ;
Sa voix persuadait avant d’avoir parlé.

Oh ! savez-vous combien de femmes que dévore
Même à présent son nom, traînant de longs ennuis,
Le murmuraient aux soirs, et criaient à l’aurore :
Je l’aime ! et se plaignaient aux haleines des nuits !

Et les vierges en fleur, troupe folle et timide,
Honteuses de sentir frissonner leurs bras nus,
Le suivaient dans le bal d’un long regard humide,
Et, blanches, étouffaient leurs soupirs ingénus.

Mais ce ne fut pas lui, cet amant des orages,
Qui put se réjouir à voir couler des pleurs,
Ou qui suivit la gloire et ses fuyants mirages.
Avenir, avenir, son âme était ailleurs !

Que disait-il aux bois, quand, sous leur sombre voûte,
Il écoutait, caché dans le feuillage noir,
L’eau céleste filtrer et pleurer goutte à goutte,
Délicieusement, comme son désespoir ?