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Page:Banville - Œuvres, Les Exilés, 1890.djvu/163

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LES EXILÉS


À ce discours le puissant Empereur,
Le vieux lion couronné, le grand chêne,
Baisse la tête et frémit de terreur.
De larges pleurs brûlants, des pleurs de haine,
Tombent à flots dans sa barbe hautaine :
Hélas ! dit-il, ce faiseur de travaux,
Cet artisan d’exploits, mon capitaine,
Le bon Roland, est mort à Roncevaux.

Mais, ô ma sœur ! amie au col de cygne,
Je te promets un époux, fils d’aïeux
Fiers de lignage et de valeur insigne
Pour te servir à la face des cieux.
Il séchera les larmes de tes yeux
Qui pleureraient toujours de chers fantômes.
C’est mon Louis, je ne puis dire mieux :
Il est mon fils, il aura mes royaumes.

Aude sourit. Vite, un rayon charmant
Fleurit sa lèvre austère que l’on vante :
Je le vois bien, dit-elle doucement
À l’Empereur tout glacé d’épouvante,
Vous vouliez donc railler votre servante !
Vous m’avez dit ces choses-là par jeu !
Que, Roland mort, Aude reste vivante !
Cela ne plaise à notre seigneur Dieu !