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LES EXILÉS


Tu t’écriais, inassouvie :
Amour ! je veux, dès cette vie,
Ton délire immatériel
Et tes voluptés immortelles :
Puisque l’âme a gardé ses ailes,
Il faut bien qu’on lui rende un ciel !

Non ! tout désir qui nous déchire
N’est qu’un avant-goût du martyre !
Non, l’univers déshérité,
Où toute vertu saigne et pleure,
Ne peut pas nous donner une heure,
Fût-ce au prix de l’éternité.

Qu’importe ! marchons vers le rêve.
L’Ange a beau secouer son glaive
Sur le seuil que cherchent nos pas,
Rôdons aux portes entr’ouvertes !
Cherchons sur les cimes désertes
La rose qui n’y fleurit pas !

Allons-nous-en vers le mirage !
Écoutons à travers l’orage
La voix qui nous a désignés
Pour la félicité sereine,
Et que l’ombre à la fin nous prenne,
Vaincus, mais non pas résignés.