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Page:Banville - Œuvres, Les Exilés, 1890.djvu/29

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LES EXILÉS

Les Loups


Partout la neige. Au bout du sinistre chemin
Que troublait seul le bruit de ce pas surhumain,
C’était un bois sauvage éclairé par la lune.
Pas une seule place où la terre fût brune,
Et, pareil à ce voile effrayant qui descend
Aux pieds des morts, le blanc linceul éblouissant
Faisait tomber ses plis sur les chênes énormes,
Et le vent furieux, engouffré dans les ormes,
Entre-choquait avec un rire convulsif
Leurs rameaux. L’Exilé farouche, au front pensif,
Entra dans la forêt que l’âpre bise assiège ;
Son camail écarlate incendiait la neige
D’un long reflet sanglant, rose, aux lueurs d’éclair,
Comme si, revenu des cieux et de l’enfer,
Ce voyageur, portant l’infini dans son âme,
Au lieu d’ombre traînait à ses pieds une flamme.
De ce côté des bois, les chasseurs vont s’asseoir
Dans un grand carrefour où, du matin au soir,