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LES EXILÉS


L’Antre


Au milieu d’un monceau de roches accroupies
Sur le chemin qui va de Leuctres à Thespies,
Un antre affreux s’ouvrait, sinistre, horrible à voir.
Des buissons monstrueux tombaient de son flanc noir
Hérissés et touffus comme une chevelure,
Et dans la pierre en feu, qu’une rouge brûlure
Dévore, étaient gravés sur son front ruiné
Ces mots : Ici gémit l’éternel condamné.
Rien n’obstruait le seuil de la sombre caverne.
Hercule entra. Dans l’ombre, auprès d’une citerne
Dont le flot n’a jamais regardé le ciel bleu,
Sur des ossements d’homme était assis un Dieu.
Or il avait vécu plus d’ans que la mémoire
N’en rêve ; son vieux crâne était comme l’ivoire ;
Lui-même d’une flèche il déchirait son flanc ;
À force de pleurer ses yeux n’étaient que sang,
Il semblait un oiseau farouche, pris au piège,
Et le vent frissonnait dans sa barbe de neige.