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LES EXILÉS

Alors il lui serra si durement le cou,
Que le lion sentit la mort dans son œil fou
Et vit passer sur lui le flot noir de l’Averne.
Le héros le traîna jusque dans sa caverne ;
Sombre et morne, elle avait une entrée au levant,
Et l’autre au couchant sombre, où s’engouffrait le vent.
Hercule, contenant d’une main rude et forte
Le lion qui voulait bondir vers cette porte,
Prit un quartier de roche avec son autre main,
Et la boucha ; puis, d’un long effort surhumain,
Qui fit craquer les os de l’horrible mâchoire
Et jaillir un sang rouge entre ses dents d’ivoire,
Il étouffa le monstre, et, penché vers les cieux,
Il écouta monter dans l’air silencieux
Son long râle et sa plainte amère aux vents jetée,
Si triste que la terre en fut épouvantée.
Puis le héros ouvrit ses bras ; poussant un cri
Suprême, le lion mourant tomba meurtri,
Et, se heurtant au mur de la caverne close,
Il expira, laissant traîner sa langue rose.


Lundi, 6 juillet 1874.