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peut vider d’un trait le grand verre, pareil à la coupe d’Hercule, dans lequel Rabelais nous verse la rouge vérité. Le front, très haut, se gonfle au-dessus des yeux en deux bosses qui ne font guère défaut dans les têtes des hommes de génie ; les sourcils bien fournis sont très-rapprochés des yeux, et ces yeux vifs, perçants, impérieux et spirituels sont comme embusqués au fond de deux cavernes sombres, d’où avec impartialité ils regardent passer tous les Dieux. Le nez osseux est creusé à sa racine, et à l’extrémité avance assez violemment avec des airs de glaive ; la bouche rouge, charnue, que surmonte un plan net et hardi, est ferme, fière et malicieuse, très-accentuée d’un pli railleur qui la termine ; le menton légèrement avancé, gras et un peu court, se double déjà (pour exprimer que tout grand travailleur a quelque chose du moine cloîtré, ne fût-ce que l’isolement et la patience !) avant de se rattacher à un cou solide et pur comme une colonne de marbre. Lorsque songeant à traduire Eschyle et à créer une Orestie fran-